voyage en enfance
L'enfance est un
voyage oublié. (Jean de La Varende)
voitures et vacances
Même
si j'aimais beaucoup l'école, je n'en espérais
pas moins les vacances d'été, qui nous transportaient
dans un ailleurs charmant, le temps des congés annuels
(trois semaines jusqu'en 1969, date à laquelle la quatrième
semaine a été accordée). Nous n'étions
pas riches, mais nous avions une voiture d'occasion, que nous
réservions aux voyages et aux sorties du dimanche. En
semaine, pour aller travailler, mon père utilisait un
Solex sur le porte-bagages duquel il avait attaché, en
guise de sacoche, un cageot pour transporter ses affaires. Ce
deux-roues était équipé d'un petit moteur
surmonté d'un levier de vitesse, le tout placé
sur la roue avant. En roulant, on pouvait poser les pieds sur
une plate-forme conçue à cet effet et une béquille
permettait de le maintenir debout à l'arrêt. On
le nourrissait à la Solexine, qu'on allait acheter au
rond-point du Chant des Oiseaux.
Dans la rue, nous n'étions pas nombreux à posséder
une voiture, j'ai souvenance de la quatre-chevaux de la famille
de Joël, que suivit bientôt une 4L rouge, drôle
de voiture dont la forme semblait insolite à ce moment-là.
On voyait en outre passer la Dauphine d'Alain et la DS de ses
parents.
Une voisine âgée, qui devait avoir
une très mauvaise vue, circulait également en
dauphine et il n'était pas rare de la voir "bigner"
les bords du trottoir avec ses pneus. Ce modèle très
en vogue, séduisant par sa forme et sa nervosité,
avait par contre la réputation d'être une savonnette
sur la route. Quant à la quatre-chevaux surnommée
" la 4 pattes", bien que plus modeste, elle était
très populaire également.
Il me semble qu'on ne voyait pas beaucoup d'autres voitures
dans le coin, une ou deux de plus peut-être. Il est bien
possible que nos voisins immédiats, ceux qu'on ne voyait
jamais, aient eu une 203, pourtant je ne saurais l'affirmer.
Mes parents quant à eux, ont possédé tour
à tour, une Citroën C4 Rosalie dont j'ai entendu
parler sans en retrouver aucune trace, puis toute une série
de Peugeot, une 202 que j'ai connue dans un lointain vague et
flou, une 203 avec ses deux petites flèches, une de chaque
côté, qui se soulevaient à l'horizontale
pour signaler un changement de direction et auxquelles il fallait
faire attention car le bras cassait facilement, une 403 bien
plus spacieuse et enfin, très longtemps après,
une ID Citroën.
La voiture, pour nous, était synonyme
de vacances. Plusieurs jours avant le départ, mon père
fixait une galerie sur le toit et ma mère commençait
à préparer les valises. En attendant, les mois
précédents, elle avait écrit une bonne
quarantaine de lettres pour trouver un gîte pas trop cher,
à louer dans un endroit sympathique et surtout pas proche
d'une usine. Le soir précédent le départ,
nous apportions tous les bagages que mon père rangeait
soigneusement dans le coffre, une place pour chaque chose, dans
un sens et pas dans l'autre, car tout était calculé
au millimètre. Quand ma soeur et moi, les premières
années où nous avons eu nos électrophones,
voulions emporter chacune le nôtre, il n'était
évidemment pas d'accord. Alors nous trichions un peu
avec la complicité plus ou moins passive de ma mère.
L'un des deux appareils était emballé et glissé
au milieu des colis de façon à passer inaperçu.
Pour finir, le coffre étant rempli au
maximum, tables et chaises de camping étaient installées
sur le toit et couvertes d'une bâche. Nous étions
alors prêts à partir. Couramment nous démarrions
dans la nuit, vers une ou deux heures du matin. Mon père
seul à conduire, trouvait la route longue car nous allions
dans les Alpes la plupart du temps. Nous n'arrivions généralement
pas avant la fin de journée suivante. Il s'arrêtait
parfois une heure pour dormir sur le volant dans un chemin désert
et nous étions très impatientes de repartir, ces
pauses nous semblant du temps perdu. Pour nous occuper pendant
le voyage, Christine et moi jouions à deviner les départements
sur les plaques minéralogiques des voitures, comptions
les stations essence par marque ou bien parlions "italien"...
enfin, un charabia sans queue ni tête que nous prétendions
être de l'italien.. Pourquoi justement cette langue ?
Je n'en ai pas la moindre idée...
Nous arrivions enfin à destination,
plaisir de la découverte du gite, installation (certaines
fois le second électrophone était repéré,
mais trop tard), visite des environs pour découvrir le
village, le syndicat d'initiative où nous demandions
des documents pour les balades futures, la ferme la plus proche
où nous nous ravitaillerions pendant le séjour.
Des années durant, nous avons passé
nos vacances en Haute Savoie, à proximité d'Annecy,
où nous nous rendions à plusieurs reprises pendant
notre séjour. Quelques images de ces voyages d'enfance,
ont imprimé une trace, parfois fugace, parfois plus vive.
Villars sur Thônes, là j'avais quatre ans peut-être
et mes grands-parents nous avaient rejoints en train. Nous allions
au cinéma à Thônes, je me souviens de l'entrée
de la salle sous une voûte sombre... Cette fois-là,
j'étais tombée dans l'escalier du chalet et j'arborais
sur toutes les photos un magnifique pansement sur le front.
La voisine qui nous vendait du lait avait un bambin à
peu près de mon âge qui croquait à longueur
de journée des carottes crues. Cela me surprenait beaucoup,
j'avais l'impression qu'il se nourrissait comme les lapins.
Un épisode mémorable, c'est la montée au
col des Aravis, avec ma grand-mère à l'arrière
de la voiture. Elle était effrayée à chaque
croisement de véhicule. Il faut dire que l'à-pic
semblait impressionnant ! Depuis j'en ai vu de bien pires
et celui-là n'était pas si terrible après
tout, n'empêche que pour elle, la voiture c'était
tout nouveau et sans doute un peu affolant !
Quelques années plus tard, nous sommes retournés
à Thônes et – clin d'oeil malicieux –
je lui avais envoyé une carte des Aravis...
Praz sur Arly... La ferme se dressait juste
au-dessus de notre chalet, il fallait monter à pic à
travers champ, en regardant où on mettait les pieds,
car on risquait de marcher sur un orvet ou une vipère.
Outre le lait, la fermière nous vendait des courgettes
et des tomates que ma mère cuisinait ensemble mais je
n'appréciais pas du tout ce plat. Par la fenêtre
de la grande pièce à vivre de la ferme, on apercevait
les vaches, un peu plus bas notre gîte et encore plus
loin le village de Praz. Nous étions arrivés de
nuit et le chemin de poussière nous avait semblé
monter jusqu'au ciel... C'était assez inquiétant,
enfin pour nous, les gosses !
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Menthon
Saint-Bernard... juste au-dessus du lac d'Annecy, un coquet
village pentu, où nous nous étions fait plein
de copains. Nous y organisions des kermesses entre nous, quant
à l'épicière du village, elle vendait des
camemberts pleins d'asticots, osant prétendre quand nous
les lui avions rapportés, qu'au moins nous détenions
la preuve qu'ils ne contenaient pas de produits chimiques !
Mieussy, près de Sallanches... Nous sommes retournés
souvent dans ce village où nous retrouvions à
chaque séjour une famille Suisse avec laquelle nous avions
sympathisé et nous sommes toujours en relation avec la
propriétaire de la ferme. Il me plaisait d'entrer dans
l'étable à l'odeur chaude et propre, où
les vaches meuglaient paisiblement. Nous faisions de folles
parties dans les prés avec les deux enfants de la maison,
Georges et Christiane, nous les emmenions avec nous lors de
nos pique-niques et le soir en les reconduisant chez eux, nous
aimions regarder les hommes de la ferme charger lourdement la
charrette, du foin coupé tout le jour sur les versants
abrupts.
Il y eut aussi Albertville, Aix-les-bains, Cluses...
Annecy... C'est une multitude de souvenirs... Le lac d'abord,
avec l'îlot planté face à la ville. Nous
louions une barque à rames et en faisions le tour, au
milieu des cygnes qui paradaient, majestueux. Dans le parc planté
au bord de l'eau, à quelques pas du casino qui fut démoli
en 1981, je parcourais les allées, juchée sur
un cheval à pédales qui se louait à la
demi-heure, tandis que mes parents marchaient à mes côtés.
Nous nous promenions volontiers le long du canal du Vassé
où s'alignaient de jolies barques en bois ou au bord
du canal du Thiou, près du Palais de l'île, l'ancienne
prison de la ville. Nous flânions dans les vieilles ruelles
aux arcades animées de commerces et de restaurants ou
montions jusqu'au château-musée.
Avec la voiture, nous visitions les environs, comme les impressionnantes
gorges du Fier ou les villes du bord du lac, Sevrier, Veyrier,
Menthon, Talloires, Duingt et son château. Il n'était
pas rare de croiser un troupeau de chèvres sur notre
route.
Le premier dimanche d'août, avait lieu
la fête du lac. Au fil des ans, celle-ci a souvent changé
de visage, avec une constante cependant, un feu d'artifice spectaculaire
sur le lac. Dans la journée, on pouvait voir des défilés
et des animations variables d'une saison sur l'autre. Une image
s'éternise pour moi, celle de fusées qui s'élevaient
au-dessus des pelouses, libérant des personnages géants
en papier. Ceux-ci étaient pleins d'une poudre blanche
comme du talc qui se répandait partout quand les sujets
éclataient au-dessus de nos têtes. Vision magique !
Dans la nuit, les bateaux illuminés circulaient sur le
lac, et le superbe feu d'artifice que nous admirions depuis
les hauteurs de la ville, incendiait le ciel.
Après avoir passé nos vacances
en Haute Savoie à de nombreuses reprises, nous avons
découvert de nouvelles régions, la Savoie avec
Val d'Isère et le col de l'Iseran couvert de neige en
plein été, l'Ardèche chaude et sèche,
le Massif Central, ses lacs, ses puys, ses belles villes, Issoire,
Clermont Ferrand, Ambert et le moulin Richard de Bas, Chaudes
Aigues et ses sources thermales et plus tard la Costa Brava.
A chaque fois que possible, nous allions voir une étape
du Tour de France. Il fallait s'installer tôt pour trouver
une bonne place, de préférence en haut d'une côte,
et attendre... D'abord, passait la caravane avec son lot de
journaux, magazines, chapeaux en papier et jeux divers que nous
nous précipitions pour ramasser sur son passage. Venaient
ensuite les coureurs, le maillot jaune qu'on cherchait parmi
les autres, Anquetil, Poulidor l'éternel second, le gros
du peloton, puis les retardataires et la voiture-balai enfin...
Une vraie fête qui nous occupait la journée !
Les vacances, c'était aussi l'occasion d'aller au cinéma,
de fréquenter les petis bals de village, de déguster
une potée aux choux, un plat savoyard, de découvrir
la nature, de pique-niquer près des ruisseaux d'eau fraîche,
je pense au val d'Arly dans le lit duquel il ne fallait pas
s'aventurer, l'eau pouvant monter soudainement... comme disaient
les pancartes, que je lisais et relisais. On faisait provision
d'air pur et de santé, de rêves et d'éclats
de bonheurs... On rentrait à regret quand survenait la
fin des vacances, en se disant qu'on récidiverait l'année
suivante... Quant à moi, j'épinglais déjà
quelques traces de nos vacances, sur des carnets de ma fabrication,
précurseurs de mes futurs récits de voyages.
Je ne peux pas finir ce chapitre "vacances",
sans parler des camps qui ont enchanté mon adolescence,
quand je partais comme monitrice avec Badou et Jo, sous la houlette
du père Sénéchal. Nous allions fréquemment
à Saint Laurent de Brèvedent, au château
d'Aplemont, un endroit fort sympathique dont les détails
me sont restés gravés, les chambres, les couloirs,
les grands escaliers froids, les cuisines, tout est en moi,
présent et animé des rires et des joies des gamines
que nous accompagnions. Je n'étais moi-même pas
bien vieille, quatorze ans lors des premiers séjours !
Ce château n'existe plus, il a été détruit,
c'est un visiteur de mes pages sur la Normandie qui me l'a écrit
en 2005.
Outre Saint Laurent de Brèvedent situé
à quelques kilomètres du Havre, nous sommes allés
quelquefois à Saint-Ours-les-Roches pas bien loin de
Clermont Ferrand, dans une grande bâtisse implantée
près de l'église et en Bretagne près de
Fougères au château de La Villegontier. Nous formions
une bonne équipe, toujours la même et là
encore, c'étaient de bons moments.
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