Le
progrès, il est venu certes ! Pourtant combien de femmes
ont vécu la lessive comme une véritable affaire
avant de s'en trouver délivrées, pour celles qui
en avaient les moyens, par l'acquisition d'une machine à
laver !
Ma grand-mère a lavé son linge à la main
pendant des années, avant de se décider à
acheter une machine très tardivement. Mais avant ça,
quel travail ! Pendant qu'elle installait les baquets sur des
trépieds et les remplissait avec l'eau douce récupérée
dans un tonneau placé sous la gouttière, mon grand-père
se chargeait d'allumer la chaudière sous la lessiveuse,
pour faire bouillir tout le blanc qui pouvait supporter la grosse
chaleur. A l'aide d'un long bâton, il remuait le linge
et des nuages de vapeur l'enveloppaient.
Elle, armée d'une brosse à linge, frottait, frottait
les grosses pièces étalées sur la planche
à laver partiellement immergée dans le baquet.
Dès qu'un habit était propre, elle le jetait dans
un premier baquet d'eau froide, puis dans un autre pour le second
rinçage auquel participait mon grand-père quand
il en avait fini avec le blanc. Ensuite, il tordait le linge
à la main et allait l'étendre sur des fils tendus
au dessus d'un carré de pelouse grand comme un mouchoir
de poche. Cela durait tout le jour évidemment et c'était
éreintant.
Ma mère bénéficiait d'une
machine à laver, ce qui rendait la lessive un peu plus
facile. Que ceux qui n'ont pas connu cette époque, n'aillent
pas imaginer qu'il n'y avait rien à faire qu'à
la remplir et la vider, comme de nos jours.
D'abord, il fallait tirer la machine au milieu de la cuisine
pour pouvoir tourner autour, puis aller brancher un tuyau dehors
pour la remplir d'eau. La porte devait donc rester entrebâillée
même en hiver. Une fois la cuve chargée et le programme
lancé, on profitait d'un répit momentané,
le temps que le linge soit lavé. Mais lavé, ne
signifiait pas rincé. Il fallait après coup sortir
toute la tournée, vider l'eau, remplir de nouveau la
machine pour le rinçage et remettre le linge pour la
suite. Après quoi, venait l'essorage. Les lourds draps
de coton, les torchons, les serviettes, les vêtements,
tout passait entre deux rouleaux en caoutchouc, actionnés
par une manivelle qu'on tournait à la main. Ces pièces
étaient alors jetées dans un seau où elles
attendaient qu'on procède à l'étendage
dans la cour.
A la fin, on replaçait la machine à laver contre
le mur, on épongeait les pavés trempés
et quelquefois quand il pleuvait, on devait étendre le
linge dans la cuisine, au dessus de nos têtes !
Il n'y avait pas de salle de bain où on aurait pu mettre
un étendoir dans ces vieilles maisons, et pas de toilettes
non plus à l'intérieur. Un cabanon en bois accolé
à la buanderie nous accueillait hiver comme été
!
Comme nous n'avions pas la télévision
évidemment, nous écoutions la radio (on disait
la TSF), sur un gros poste à lampes. Une aiguille nous
permettait de trouver la station dans des sifflements suraigus
qui nous guidaient dans notre recherche...
Pour rien au monde, nous n'aurions raté le quotidien
"Sur le banc" avec Jeanne Sourza et Raymond Souplex
qui racontait les aventures de La Hurlette et de Carmen, un
couple de clochards installés sur un banc des quais de
Seine, et pas davantage "La famille Duraton", un feuilleton
qui passait en début de soirée et mettait en scène
une famille moyenne commentant l'actualité avec humour
ou encore Zappy Max dans "Ca va bouillir" ou dans
"Quitte ou double". Beaucoup plus tard, nous avions
rendez-vous chaque jour avec Ménie Grégoire, qui
sur "Radio Luxembourg", essayait de démêler
les problèmes de ses auditeurs. Mais les transistors
avaient dès lors fait leur apparition, remplaçant
les imposants postes de radio. |